L’histoire du minotaure


Thésée se porte volontaire pour affronter la terrible créature qui vit au fond du labyrinthe : LE MINOTAURE. Mais qui est vraiment le monstre ? Ce monstre à anéantir, ne sommeille-t-il pas en chacun d’entre nous ?
Cette invitation à entrer dans le labyrinthe, je la dois à Christophe Thébault, metteur en scène du Krizo Théâtre à Orléans.
Christophe Thébault

Christophe Thébault se forme aux arts du spectacle dès 1987. Il fonde le KRIZO THEATRE en 2003 et monte une douzaine de spectacles (Tchekhov, Homère, Marivaux, Goldoni, Cocteau, Vernes, Gaudé, Molière, Vekemans, Hugo…). Il reçoit plusieurs prix pour ses spectacles (Miami, New York, Iran…).
Un projet monstrueux

Accepter de se lancer dans ce projet « monstrueux » ? S’attaquer au minotaure, pari audacieux… A tâtons j’ai avancé dans un dédale de mots à la rencontre de mon minotaure.
La norme et la déviance, les interdits et les transgressions, les exploits et les crimes caractéristiques des mythes antiques sont à la fois universels et intemporels. Reflets de nos craintes libérées de la censure, ils sont les prismes à travers lesquels nous aspirons à transcender nos existences malgré les pulsions bestiales que nous essayons désespérément de refouler.
Comme une évidence, le titre s’est imposé à moi «La saillie de l’innocence ». Le minotaure, ce monstre né d’une union contre-nature fomentée par les dieux est enfermé dans le labyrinthe, microcosme d’un monde corrompu. Malgré sa bestialité, c’est la victime dont le sacrifice est aberrant car il ne changera pas la nature humaine.
Cette version mytho-poétique n’a pour ambition ni de rivaliser avec les oeuvres existantes, ni de chercher un coupable mais plutôt de se demander si l’innocence, liée à la pureté spirituelle, n’est pas le plus grand mythe qui soit. En effet, qui est le bourreau ? Qui est la victime ? Qui est le monstre ?
C’est la dualité entre l’homme et la bête en nous, la bête que nous cherchons à anéantir. Néanmoins, sommes-nous prêts à renoncer au délicieux effroi qui nous tient en haleine à la simple évocation du minotaure ? Mon souhait est de partager avec vous les frissons de cette aventure artistique à la simple lecture de ce texte et plus encore à venir voir sur scène Pasiphaé, Minos, Thésée, Ariane et Astérion incarnés par les comédiens dans la mise en scène de Christophe Thébault déjà salué pour ses précédents spectacles. Izanne
Extraits


« La nuit je dors mal, j’entends des choses. La violence des souvenirs, leurs odeurs, les râles, les gémissements, les soupirs dans la terreur. C’est le lot de mon existence. Depuis toujours, depuis le début. C’est mon ombre qui vous engloutit, là, à vos pieds, jusqu’à vos lèvres qui supplient : Pitié, pitié ! Je me souviens maintenant, je me souviens de tout. De la saillie de l’innocence, il fut conçu. Il est le fruit de l’indécence. Le taureau blanc a fécondé de sa semence la reine Pasiphaé, qui l’a engendré dans la pure démence ».


« Mon utérus, labyrinthe de création de ce fœtus, cette tendre abomination, va le couver jusqu’à sa fatale naissance. Et toi bien lové, tu puises en moi ta puissance. (…) Mon taurillon dans mon ventre tu as grossi. A peine né, tu as mugi, encore aveugle comme je l’étais et maintenant c’est moi qui beugle ! »


« Trop longtemps dans l’obscurité de vos mémoires, enfin je ris. Oui je ris d’un rire enfantin. Tu m’as vaincu, ou tu l’as cru. Oui, tu croyais y mettre un terme. Les larmes, la sueur, le sang, le sperme. Tout ça disloqué, disséminé, disparu. Plus de traces. Les Dieux, les hommes et les bêtes, allez, tous accouplés, ah ah ah ! Mais l’immortel Minotaure, larvé dans vos inhibitions, prendra toujours son essor à chacune de vos pulsions ! »


« En ta présence, moi fille de Minos j’en oublie toute allégeance. Depuis que mon cœur est épris, leur joug est vain car seul mon corps à toi promis est souverain. A chaque coup que tu assènes je sens le feu et entre l’amour et la haine, j’en fais l’aveu, c’est sous l’empire de la passion que j’ai agi mais à la raison insoumise, tous ces fantasmes me transportent déjà conquise jusqu’à l’orgasme ».


« Voilà donc cet amas de chair, sans plus de vie que les victimes dans ses viscères. Le calme dans le labyrinthe est revenu autour de la bête défunte enfin vaincue. Le soleil est à son nadir et maintenant, je ne vois dans mon avenir qu’un châtiment. Le souverain blasphémateur maudit ses gênes où règne toute la noirceur de l’âme humaine. Voilà le grand seigneur en butte à la folie. Dans son palais, son ennemie. Voilà ce qu’il est, tumeur de l’âme ! Et dans l’abîme sulfureux, c’est le tumulte, son propre reflet dans les yeux comme une insulte. »

Qui est le monstre ?
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